L’incroyable histoire d’une famille qui a grandi en tant que musulmane en Libye et est revenue au judaïsme
27/02/2020Sabrin, une jeune femme âgée de 30 ans, est née à Benghazi, en Libye, dans une famille juive qui a dû cacher sa judéité à son entourage. Officiellement, les derniers Juifs ont quitté le pays lors de la montée au pouvoir du tyran fou Mouammar Kadhafi il y a 41 ans, mais il s’avère que certains ont préféré rester dans leur pays natal plutôt que d’immigrer vers l’inconnu. Parmi eux, la famille de Sabrin. Son grand-père, qui a servi dans l’armée libyenne pendant de nombreuses années, a préféré rester en terrain familier, même si ce n’était pas particulièrement réjouissant, plutôt que d’opter pour l’avenir rose qui lui avait été promis dans un pays étranger où il devrait tout recommencer à zéro.
Sabrin fait partie de la troisième génération de cette famille juive. Ses grands-parents qui sont restés en Libye ont placé leurs trois enfants dans des familles juives qui étaient également cachées dans la ville côtière de Benghazi et Sabrin est l’une des cinq enfants de leur fille aînée. « Nous vivions comme des Juifs convertis de force », témoigne-t-elle. « Lorsque ma grand-mère était en vie, chaque samedi, nous nous rendions dans une ferme isolée et y célébrions le Chabat, sans que personne ne le sache. Nous craignions pour notre vie et nous cachions notre judéité ».
Avec la mort de la grand-mère, le lien juif de la famille s’est relâché. A part quelques traditions préservées, la famille s’est éloignée de plus en plus de ses origines et s’est fondue dans son environnement musulman. À 17 ans, Sabrin a épousé un résident arabe de sa ville. Alors que trois de ses sœurs sont mariées à des Arabes qui ne savent toujours pas qu’elles sont juives, Sabrin, constatant la réaction patiente et pacifique de son mari envers les Juifs, a décidé de lui dévoiler ses origines.
Les années ont passé. Avec le déclenchement de la guerre civile en Libye, et après que son seul frère, membre d’une milice qui a combattu Kadhafi, a été tué et enterré en tant que musulman, Sabrin a réalisé que son avenir n’était pas dans ce sanglant État d’Afrique du Nord. Elle a alors décidé de poursuivre des études médicales dans un pays d’Europe de l’Est. Son mari et ses enfants arabes l’ont suivie, et ces derniers, juifs selon la loi juive, ont commencé à fréquenter une école catholique de la grande ville où ils se sont installés.
C’est alors qu’un revirement surprenant s’est produit. Patientant un jour à la laverie locale, les yeux de Sabrin se sont posés un autocollant arborant une étoile de David et une déclaration juive. Cet autocollant l’a secouée. Elle a réalisé que pour la première fois de sa vie, elle pourrait rencontrer des Juifs qui mènent ouvertement leur vie juive. Embarrassée, elle a demandé à la gérante de la laverie si elle connaissait des Juifs vivant dans la région. Elle lui a répondu que son frère était marié à une femme juive, que pas moins de 30000 Juifs vivaient dans la même ville et qu’il y avait une communauté juive florissante. Sabrin a rapidement contacté la communauté juive locale et a demandé à en faire partie.
Naturellement, Sabrin a été accueillie avec suspicion, puis a été refusée par le chef de la communauté qui craignait qu’elle soit un imposteur. Malheureuse de ce refus, Sabrin a poursuivi sa routine dans l’attente du jour où elle pourrait enfin retrouver son peuple.
Moins de six mois plus tard, Sabrin est tombée sur une vidéo spéciale de Yad Lea’him en langue arabe appelant les Juifs perdus, enfants et petits-enfants de femmes juives qui ont épousé des musulmans dans les pays arabes, à contacter l’organisme pour revenir au judaïsme. Le cœur de Sabrin a raté un battement. Elle s’est empressée de contacter Yad Lea’him via l’adresse e-mail fournie à la fin de la vidéo et quelques minutes plus tard, un agent du département de la sécurité l’a contactée.
Sabrin a d’abord été invitée à présenter des documents attestant que sa mère était juive, et après de multiples démarches, elle a réussi à obtenir son certificat de naissance et celui de sa mère, de sa grand-mère et de son arrière-grand-mère juives. Au cours du processus, Sabrin a exprimé son désir de vivre une vie juive, de quitter son mari musulman et d’inscrire ses enfants à l’école juive locale.
Sabrin entrepris d’autres démarches pour obtenir des documents supplémentaires et lorsqu’elle a fini par tout réunir, Yad Lea’him contacté le rabbin de la ville, lui a raconté son histoire et lui a demandé de lui venir en aide. Lorsque ce dernier a donné son consentement, deux hommes de Yad Lea‘him se sont envolés pour ce pays d’Europe orientale afin de rencontrer Sabrin, son mari et le rabbin. Lors de leur rencontre, les hommes de Yad Lea’him ont expliqué en arabe au mari musulman qu’ils étaient venus pour aider sa femme juive qui voulait revenir au judaïsme et l’accompagner dans sa démarche.
Le mari, choqué par leur apparition soudaine dans sa vie, s’est rendu compte que sa femme était sérieuse au sujet de ses intentions et bénéficiait de l’appui de la communauté juive locale et de Juifs israéliens parlant hébreu. Il a alors accepté la séparation. Il n’a posé qu’une seule condition, il voulait que l’appartement loué par le couple pour les cinq ans à venir et pour lequel ils avaient payé d’avance reste en sa possession.
Après leur rencontre avec le rabbin, Sabrin et ses enfants, très heureux, ont célébré le mois des grandes fêtes dans la magnifique synagogue de la ville. Toute la communauté s’est associée à Yad Lea’him et l’a prise sous son aile pour l’aider à trouver un appartement et à le financer. Après les fêtes, afin de garder Sabrin et ses enfants loin de son ex-mari musulman qui vivait dans la ville, Yad Lea’him a décidé de déplacer Sabrin dans la capitale de ce même État.
Les enfants ont déjà intégré l’une des écoles religieuses locales et ces jours-ci, Sabrin s’apprête à passer devant le tribunal rabbinique de la ville pour une cérémonie de retour au judaïsme.
Yad Lea’him n’a pas oublié les parents et les sœurs de Sabrin. Ses parents ont refusé de quitter la Libye, préférant y finir leurs jours mais l’organisme tente actuellement de délivrer les sœurs de Sabrin, qui ont déménagé dans la capitale, Tripoli, de leurs maris musulmans.
« C’est un autre challenge », a déclaré le porte-parole de l’organisme, « mais nous sommes convaincus et confiants qu’à la fin de l’année en cours, l’histoire du sauvetage de ses sœurs et de leurs enfants juifs sera derrière nous ».
Le fils de Sabrin court avec enthousiasme dans la cour du Talmud Torah, les tsitsit au vent, le premier jour de classe