R. et son fils de quatre ans ont été délivrés in extremis et emmenés en lieu sûr
18/11/2014Tout avait été soigneusement planifié. L’heure du sauvetage était fixée. Chacun connaissait son rôle avec précision. R. elle-même avait en tête une longue liste de choses à emporter et savait exactement quand emballer ses affaires pour que son mari arabe ne se doute de rien. L’émotion était à son comble.
Puis, un appel téléphonique a tout fait chavirer. « Il m’a entendu parler au téléphone » a déclarée R. bouleversée à son assistante sociale, « il ne sait pas avec qui mais il suspecte quelque chose et je sais qu’il va vouloir se venger. Il m’a menacée de mort. Je vous en supplie, sauvez moi! ».
Quelques heures plus tard, R. et son fils se trouvaient en lieu sûr, laissant derrière aux deux ans de souffrances et de violences quotidiennes.
En la voyant, personne n’aurait cru que derrière cette jeune femme se dressait une histoire si sordide. Tout a commencé il y a deux ans. R. a fait la connaissance d’Amir, un jeune homme prétendument juif originaire de sa ville natale. Il était gentil avec elle et avait accepté avec amour son fils né de sa précédente union. Ce n’est qu’après leur installation en commun à proximité de chez ses parents qu’elle a aperçu pour la première fois sa carte d’identité. Contre toute attente, elle n’était pas de couleur bleue et appartenait à… Jamal Abou A’hmad, un étranger en situation irrégulière.
Brusquement, sa vie a basculé comme dans un cauchemar. Les violences se sont succédées jusqu’à devenir quotidiennes. Pourquoi? Comme cela, sans raison. Aujourd’hui, elle sait qu’il n’y a pas besoin de bonne raison pour cela. Aucune bonne raison ne justifie quelque forme de violence que ce soit envers qui que ce soit. Elle était très seule et se sentait terriblement impuissante. En outre, lorsque que ses parents ont appris qu’elle fréquentait un arabe, ils l’ont reniée et l’ont abandonnée à la merci d’un monstre.
Il l’a enfermée à la maison, lui confisquant son téléphone et la laissant sans aucun moyen de prendre contact avec le monde extérieur. Parfois, la nourriture manquait et elle n’avait même pas de quoi s’alimenter convenablement.
Puis un soir, la lumière a enfin percé les ténèbres. Son compagnon a quitté la maison en oubliant son téléphone portable. Elle a alors immédiatement téléphoné à Yad Lea’him. Le numéro, elle l’avait obtenu un beau jour d’une femme qu’elle avait croisée dans la rue, alors qu’elle marchait aux côtés d’Amir-Jamal. Elle lui avait glissé une petite carte au creux de la main. « Pour que tu l’aie en cas de besoin » lui avait-t-elle murmuré à l’oreille.
Et ce moment était arrivé.
La personne qui a répondu à son appel téléphonique avait une voix douce comme R. n’en avait plus entendu depuis bien longtemps. « A partir de maintenant », lui assura-t-elle au bout du fil, « tu n’es plus seule ». Quelques heures plus tard, R. était en sécurité avec son jeune fils, laissant derrière elle deux longues années de malheur.
Alors que R. se remettait lentement de ses émotions en s’entretenant avec l’assistante sociale, son petit garçon s’était installé par terre et jouait avec deux petits personnages qu’il avait emmenés avec lui. Soudain, il s’est approché de l’interlocutrice de sa maman et s’est adressé à elle. « Tu as un enfant? »
Devant la réponse positive de l’assistante sociale, le garçonnet a poursuivi en lui tendant l’un de ses précieux jouets: « Alors donne lui ceci de ma part en cadeau ». « Tu en es sûr?, lui répondit-elle, tu ferais mieux de le garder, tu l’aimes beaucoup, n’est-ce pas? ». « Maintenant, je t’aime toi aussi et je voudrais que tu le prennes pour ton fils » rétorqua-t-il, la main toujours tendue. Un grand geste de la part d’un tout petit garçon, comment y rester insensible?
Aujourd’hui, le plus difficile est derrière elle. Elle vit dans un appartement protégé appartenant à l’organisme. Entourée d’amour et de chaleur, elle se sent enfin en sécurité. Ce qui la motive maintenant, quelques jours seulement après son sauvetage, c’est de parvenir à faire partager son expérience pour sauver d’autres jeunes femmes qui, comme elle, se sont fourvoyées.